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Contre le pamphlet des 51 juristes universitaires : Servilité intellectuelle, déloyauté professionnelle et une crise épistémologique »

Il est d’usage, de la part des étudiants, de s’interroger, dans un coin de leur esprit angoissé, en ces termes : « Mais ce gars, comment est-il devenu Prof ? ».

Ce doute que vérifie la récente propagande juridique intitulée : « Contre la faillite des autorités administratives et juridictionnelles » actualise le débat sur « l’être et le devenir » des juristes « manifestants ». Le terme « manifestant » n’est pas exagéré sous l’angle du contexte politique en vigueur. Sans doute, les leaders politiques se mobilisent à la place de la Nation, certains juristes émeuvent le Peuple dans les espaces médiatiques et réseaux sociaux comme Facebook.

Nous comprenons et nous tolérons leurs motivations politiciennes qui corrompent leurs possibilités de lecture objective et saine des décisions rendues par les juges. Néanmoins, il nous est donné de regretter leurs allégations contestables car à la fois l’expression d’une idéologie prolétaire et d’un populisme intellectuel. Pour l’essentiel, les propos confortent un état d’esprit habillé par une intention foncièrement malveillante. Et le crime n’étant jamais parfait, le modus operandi trahit leur volonté de dissimuler des tares comportementales et intellectuelles.

Nous nous attacherons, à la suite des sorties heureuses sur la liberté académique et la réplique des intellectuels républicains, à faire de cette brève réflexion le haut lieu d’un questionnement adossé à des considérations tenant à la servilité intellectuelle, à la déloyauté professionnelle et à la crise épistémologique.

I/ Une servilité intellectuelle

Notre déception est grande mais notre jugement de réalité confirme les carences voire les tares déontologiques qui alimentent la démarche hybride : nos manifestants réfléchissent clandestinement en politiciens mais signent publiquement en universitaires. C’est la marque de fabrique de nos juristes en quête de popularité.

La manifestation de la servilité intellectuelle réside indéniablement dans la succession de deux écrits dont le second « Contre la faillite des autorités administratives et juridictionnelles »n’est que le prolongement instrumentalisé du premier« Faut-il brûler les Facultés de droit du Sénégal ? » : Propos irrévérencieux d’un universitaire citoyen sur l’actualité politique-judiciaire » ; ce dernier n’étant qu’un servile mimétisme, un procédé de « copier-coller » des titres du colloque tenu en 2012 à Montpellier « Faut-il brûler les Humanités et les sciences sociales » et de l’article du Pr Isaac Yankhoba NDIAYE, « L’art de mal légiférer (propos irrévérencieux sur certains textes de loi) » publié en 1995. Quelle misère intellectuelle ? Tout cela pour dire que le titre de « Professeur titulaire des Universités » n’est pas revêtu d’une présomption irréfragable de scientificité. Loin s’en faut, c’est une présomption simple que brise cette preuve de copie servile.

Plus spécifiquement, un certain nombre d’interrogations émergent de la lecture du fameux texte collectif, mais restent sans réponse : quels sont les « manifestants » qui, avant de signer le manifeste, ont au moins vu ou lu l’ordonnance rendue en référé au sujet de l’interdiction de la manifestation projetée par l’Opposition le 29 juin ? Ont-ils simplement agi sous les ordres d’un manipulateur de conscience récidiviste ? En tout cas u moment de rédiger le présent papier, 100% des signataires interrogés sur la question avouent n’avoir ni détenu ni lu les décisions mises en cause. Quelle farce intellectuelle ? Quelle naïveté scientifique ? Autant d’attributs qui fondent l’identité remarquable de la servilité intellectuelle de nos juristes-manifestants.

Par ailleurs, notre curiosité est attirée par la proportion exagérée de privatistes et de polistes parmi les signataires du manifeste. A la vérité des chiffres, sur les 51 enseignants publicistes que compte la Faculté des Sciences juridiques et politique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 05 (dont seulement 01 de rang magistral A) ont participé au concert de casseroles, au temps pour moi, au concert de textes et de jurisprudences de mauvaise aloi. Quel déficit de représentativité manifestement criant ? En atteste le taux dérisoire 9,8% des voix scientifiquement autorisées à se prononcer sur les problématiques constitutionnelles et administrativistes.

II/ Une déloyauté professionnelle

Pour mener de front ce point critique de notre réflexion, nous en appelons au témoignage de deux cas cliniques.

Au fond, c’est là, de toute évidence, l’illustration proéminente de la carence de formation de certains de nos juristes. Ont-ils le sens de la loyauté ? La réponse à cette interrogation, nous l’inscrivons dans le registre des interpellations adressées respectivement à deux signataires : l’une, membre du Conseil d’Administration de l’Ecole nationale d’Administration (ENA) et l’autre, nommé Professeur titulaire en Conseil des Ministres du 27 avril 2022.

En étant le porte-étendard du manifeste, le représentant de l’Enseignement supérieur au Conseil d’Administration de l’ENA ne ferait-il pas mieux de présenter ses excuses voire de présenter sa démission. Ce terreau fertile de la formation des cadres supérieurs de l’Administration sénégalaise – dont le Gouverneur et le Préfet de Dakar en font partie – doit regretter de vous compter parmi ses administrateurs. Comment peut-on participer à l’administration de l’ENA chargée de la formation de l’élite du pays et en être comptable de l’opprobre jetée sur les éminentes fonctions de Gouverneur et de Préfet en signant « la faillite des autorités administratives … ». Au regard de cet agissement, il conviendrait d’ailleurs de parfaire la récente loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur parapublic, au suivi du portefeuille de l’Etat et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique secteur parapublic. L’idée est déterminer les causes susceptibles d’entraîner la perte de la qualité de membre des instances délibératives certaines indignités professionnelles dont l’hostilité envers l’institution et les fonctions y afférentes.

 

Venons-en à présent au cas du privatiste pour en conclure que notre déception est grande mais notre surprise est moindre. Ce signataire du manifeste, tristement célèbre à la dignité des insulteurs publics, coutumier de propos désobligeants envers de paisibles publicistes, devrait-il être nommé en considération de certains égards républicains ? En présentant à la délibération du Conseil des Ministres la nomination des professeurs d’Université, le Ministre chargé de l’Enseignement supérieur a certainement voulu garnir les titres universitaires de la sagesse républicaine. Hélas ! La sournoiserie intellectuelle est congénitale à l’esprit de certains intellectuels. C’est pourquoi, l’orthodoxie administrative recommande d’ailleurs qu’il soit appliqué, mutatis mutandis, les instructions relatives de la nomination en Conseil des Ministres : « Le Ministre qui envisage de proposer à la nomination un fonctionnaire de l’Etat, lorsque cette nomination est présentée sous la forme d’une mesure individuelle, en Conseil des Ministres, doit, après avoir identifié la personne concernée, faire procéder, par les soins du ministère de l’Intérieur, à une enquête de moralité entreprise en bonne et due forme. Cette précaution permet d’éviter que soient promues des personnes qui, malgré leur niveau technique et leur expérience professionnelle, ne sont pas éligibles à certaines nominations, du fait d’actes délictuels commis dans l’exercice de fonctions antérieures. Il s’agit d’une question de moralité et de référence liée à l’éthique qui fonde l’Administration publique. ».

Tout compte fait, il reste affligeant pour l’autorité de proposer à la délibération de ses pairs, la nomination à un quelconque titre, un agent public dont le comportement frise un certain comportement vis-à-vis des institutions de la République.

Objectivement, il est temps d’instituer un Conseil national de l’Enseignement supérieur doté d’une Commission administrative paritaire en charge, en lieu et place du Conseil des Ministres, de l’approbation des titres délivrés par le Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur (CAMES) et d’une Commission disciplinaire paritaire appelée à statuer sur les manquements aux obligations déontologiques des enseignants du supérieur. Si les étudiants sont justiciables devant les instances académiques, qu’en est-il de leurs enseignants dont l’exemplarité et la prestance professionnelle ne devraient souffrir d’aucun paradoxe ? Existe-il un organe disciplinaire dédié à veiller sur la moralité professionnelle des enseignants du supérieur ? Si oui, Est-il fonctionnel ? Aussi, à quelle occasion sont-ils attraits devant un tel organe en cas de commission d’actes malveillants accomplis dans l’exercice de leur mission ?

III/ Une crise épistémologique

« L’épistémologie pose des questions qui jalonnent en quelque sorte le chemin parcouru dans la constitution et le développement d’un savoir, il demande, à celui qui affirme savoir, qui affirme avoir établi ou démontré, ce qui l’autorise à s’exprimer ainsi.. ». En vertu de cette assertion, se pose la problématique du savoir juridique dont se prévalent les 51 manifestants, suivis aveuglément les ténors d’antan du droit. En les lisant, on est fondé à accorder du crédit à la légitimité historique des seconds et la présomption des titres universitaires des premiers. Pourtant, il n’en est rien.

Vouloir comprendre l’interprétation constitutionnelle sous le prisme étroit du jugement judiciaire reviendrait à s’émouvoir de sa propre méconnaissance profonde des mutations récentes de la science constitutionnelle. La question de l’Etat de droit et l’interprétation littérale ou grammairienne du texte constitutionnel ne saurait convaincre même un étudiant de la première année de droit. Si cela était le cas, il suffirait juste de confier l’application des dispositions constitutionnelles à la Police ou à des magistrats d’une Cour suprême. La création d’un conseil constitutionnel répond plus à des nécessites démocratiques qui dépassent la logique légalitaire. D’ailleurs, cette raison explique l’étonnement naïf des théoriciens et praticiens du « bon vieux ton » juridique.

Fondamentalement, la fonction légitimante des juridictions constitutionnelles actuelles résident plus dans la régulation juridique. Vu sous cet angle, comment s’étonner d’une interprétation de la loi électorale favorable à la participation politique. En découplant les listes de titulaires, la sagesse n’a-t-elle pas élargi le spectre démocratique des élections et, par-delà, apaiser aujourd’hui l’espace politique ?

Nous vous invitons à en débattre de vive voix, dans vos amphithéâtres et vos salles de colloque. Certes la commodité des aires médiatiques et des réseaux sociaux est assurément favorable à la quête effrénée de succès mais elles se révèlent durablement contre-productives pour la réputation scientifique.

Yamar Alpha DIOUF

Juriste-Spécialiste en Droit public

 

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